Le 28, 29 et 30 août 2015, Walkzine s’est rendu sur le Domaine de Saint Cloud pour la 13ème édition de Rock en Seine. Pendant trois jours, sous une chaleur moite de circonstance avec la thématique « jungle » de cette année, nous avons été à la fois ébahis, surpris, émus mais aussi déçus. On fait le bilan calmement.
JOUR 1
Il est 16h00, et après une bonne heure de transport pour accéder au festival, nous nous hâtons vers la scène Pression Live pour KATE TEMPEST. Découverte au festival Chorus, l’Anglaise n’a rien perdu de sa verve et de son flow impressionnant. Accompagnée d’une batterie et d’un synthé, la fioriture n’est pas nécessaire pour ce live qui électrise l’assistance. Suspension du temps quand Kate se lance dans une intense session de slam, à se demander à quel moment elle respire, et quand elle nous invite de sa voix rauque à croire à nous et aux autres. Des frissons dans tout le corps.
C’est donc un peu groggy que nous nous rendons sur la scène de l’industrie pour JEANNE ADDED. Haaa, si on pensait pouvoir se poser, c’est mort. Deuxième charge émotionnelle de la journée. Trois sur scène, guitare, synthé, batterie, tous de noirs vêtus, et l’ambiance est lourde, très lourde. Pourtant, c’est de cette ombre que la lumière jaillit. Quelle prestance, quel don de soi, à la fois brute et fragile, l’ambivalence dans toute sa splendeur. Mention spéciale sur la rythmique entêtante du titre It, ainsi que Suddenly, sublimement interprétée à trois voix féminines, et qui clôture ce live. Un moment intense. Encore. Et il est 17h45.
On passe à droite, la scène Cascade. BENJAMIN CLEMENTINE nous attend. Scénographie minimum, piano posé milieu scène, accompagné notamment d’un violoncelle, grand, très mince, long manteau vert, le même que sur la pochette de son album At Least For Now. L’interprète a cette capacité, malgré la configuration d’un festival qui n’est pas optimale pour une ambiance intimiste, à nous plonger dans son univers mélancolique, de manière presque hypnotique, avec un jeu de scène minimal mais théâtral. Entre London et Cornerstone, le jeune anglais disparaît quelques instants, laissant ses musiciens dans une phase instrumentale du plus bel effet, et réapparaît, nous parlant ensuite du 18ème arrondissement et des chiens qui y vivent. Winston Churchill’s Boy, qu’il interprète seul au piano, est bouleversant. Ovation.
La suite se fera avec le poétique JACCO GARDNER. Et on n’est pas contre un peu de légèreté après ces trois premiers lives. Premières notes à la guitare folk, une douceur incontestable qui nous invite à la rêverie. Mélodies joyeuses, sonorités psychés, maracas et tambourins en prime, on ne peut qu’adhérer. Adopté depuis son album Cabinet Of Curiosities, le néerlandais semble sorti d’une autre époque, plus enclin à l’idéalisme, et c’est ce qui nous plait. L’aérien Clear The Air nous emmène dans un pays imaginaire et verdoyant, voyage qui continue avec Find Yourself, avec une mini phase avec moult péripéties sur Another You. Un véritable voyage intérieur en somme.
Nos deux prochains concerts, nous décidons de les vivre sur la scène Ile de France, un petit îlot concentré de purs talents. Une demi-heure par artistes, et pas une déception. Déjà, l’ovni INIGO MONTOYA. Est-ce que ces quatre garçons ont été fans de « Princess Bride », on ne le sait pas, mais ce qu’il propose est inclassable. Sur des instrus impeccables, avec un batteur de folie, des paroles improbables, il faut se laisser embarquer pour apprécier. Et passé l’effet de surprise, on en redemande. Vraiment. Nuit Blanche met le public en folie, et Joie nous hypnotise presque. Une belle surprise.
Même scène donc,un peu plus tard, avec CLEA VINCENT. Ces mélodies pop sucrées salées (dont le mignonnet Retiens mon désir) teintées d’une petite touche électro ressemblent à un vent frais et stimulant, et on s’imagine très bien au bord d’une plage en train de siroter un cocktail avec elle (si elle veut !) Le public est conquis, et elle nous invite d’ailleurs de sa voix mutine à aller la voir le 19 septembre au Nuba. Avec plaisir. Parfait pour un été indien.
SON LUX pour finir cette première journée. En trois mots : magistral, puissant, grandiose. Un coup d’œil derrière nous nous permet d’observer que nous sommes tous dans le même état extatique. Clavier quasi religieux, guitariste de génie, s’il fallait ne pas manquer un concert, c’était celui-ci. La version d’Easy, partagée entre une basse lourde et une batterie subtile, sous une lumière bleutée, nous happe littéralement et fait baisser notre BPM à 60. C’est dans cet état d’apaisement intense que nous quittons le domaine de Saint Cloud. Vidés mais oh combien satisfaits.
JOUR 2
Un soleil de plomb et FOREVER PAVOT nous accueille en début d’après-midi. Le public cherche l’ombre sur la petite colline coté droite de la scène mais nous, nous sommes bien devant pour écouter ce groupe parisien. Leur musique, riche et variée, ouvre les portes de l’imagination et du psychédélisme. Ouverture avec le cauchemardesque Les Cigognes Nénuphars (mais à quoi cela peut-il bien ressembler ?), puis voyage dans des contrées désertiques avec Miguel El Salam, petit détour dans notre enfance avec une version très originale du générique de Tintin, et enfin le retour de la chanson du cheval Christophe Colomb. Un petit voyage dans le subconscient du chanteur, on prend.
Juste à côté, et après avoir pris un smoothie pastèque pomme ananas, BALTHAZAR est attendu de pied ferme sur la scène Cascade. Des drapeaux belges çà et là nous permettent de déterminer facilement l’origine du groupe. Ce sera le dernier live de l’année pour le groupe et ils ont vraiment donnés d’eux, malgré cette chaleur qui nous fait tous fondre sur place. Mais qu’importe ! Objectivement, tout est juste, bien placé, les mélodies sont entraînantes, l’énergie est positive, et on a droit à une succession de tubes comme Then What, Bunker, Decency et bien sûr le titre qui les a fait connaitre, Leipzig. Plus tard dans la journée, nous avons rencontré des festivaliers nous affirmant que c’était le meilleur concert de Rock en Seine. C’est dit.
MARINA AND THE DIAMONDS. Etonnamment inconnue jusqu’alors, cette injustice est réparée. Cette magnifique et sculpturale jeune femme arrive sur scène dans un costume de scène qui mixe un chat et wonderwoman, des chaussures roses fluos à plateforme digne de la gay pride, et une démarche chaloupée de diva. Sa musique qui mixe pop acidulé et touche rock électro, possède une palette d’émotions plutôt large. Sa voix rauque et chaude, passe sans difficultés dans des aigus lyriques. Ça pourrait être très cheap mais c’est saisissant. Petit coup de cœur pour les titres I’m not a Robot et Blue mais son dernier album FROOT est une petite pépite. Quand elle nous avoue que c’est son premier festival en France, on en reste bouche bée. Marina, nous, on l’a définitivement adoptée, difficile de résister à ce petit diamant pur.
On squatte la scène Cascade, c’est l’heure d’ETIENNE DAHO. On est plutôt impatient, on l’aime bien notre dandy français. Dans son blouson de cuir et derrière ses lunettes, ce sera une succession de tubes, dans une version plus rock et électro, live oblige. Création instantanée d’une bulle de bonheur et on remarque que toutes les générations sont rassemblées et que nous chantons et dansons tous ensemble, que ce soit sur le mythique Week end à Rome, le touchant La peau dure, ou le tellement poétique Le premier jour. Beaucoup d’émotions palpables du côté scène, dernier concert d’une longue série, le salut de fin qui sonne comme un adieu momentané, très symbolique donc. Beaucoup de gentillesse et de douceur pendant ce concert, et nous sommes heureux d’avoir été là et d’avoir posés nos cœurs bancals dans son bocal.
Sans transition, LA MVERTE sur cette fabuleuse scène d’île de France. A la fois sombre, lancinant et dansant, son mini live a fait mouche. Très classe en noir et gris avec de fines bretelles, il nous emmène dans son univers ésotérique et nous guide dans ce chemin tortueux d’une voix qui semble sortie d’un caveau. A la fois effrayant, mystérieux, et excitant, c’était juste trop court, on l’aurait encore bien suivi très loin et très longtemps.
SHAMIR, jeune artiste américain d’une vingtaine d’années, a réussi, malgré cette journée épique, à tirer les dernières forces qu’ils nous restaient. Programmé en même temps que JAMIE XX, il ne nous a pas fait regretter notre choix. Tel un contre-ténor, il est aussi à l’aise dans le registre du rap, que dans des sonorités plus soul et house. La bombe On the Regular et son cowbell entêtant nous met tous en joie, le langoureux Kc nous donne envie de prendre nos voisins dans les bras, le funky In for the kill nous projette dans un club new yorkais, et le bien nommé Head in the clouds, qui sera le morceau de fin, est une invitation à bouger son corps jusqu’au bout de la nuit. Ce que Shamir fait d’ailleurs sur scène où il s’éclate aussi bien que s’il était avec une bande de potes en soirée. Superbe.
JOUR 3
Toujours une chaleur écrasante pour ce dernier jour, et LAST TRAIN sur la scène industrie. Petite musique d’intro typique western avant que les jeunes Mulhousiens n’arrivent sur scène tous de cuirs vêtus. Et nous balancent sans gêne leurs riffs incisifs et cette énergie toute juvénile. Avec des titres assez longs ponctués de phases instrumentales prenantes, on assiste à un live de qualité. La preuve en est : même sans connaître les chansons et pourtant situés assez loin, on se prend au jeu et on fait les chœurs des refrains tout en bougeant la tête, sur Cold Fever notamment. Comment ne pas se faire embarquer dans ce train-là ?
On retient notre souffle parce qu’HOT CHIP est sur la grande scène. Et c’est juste fou, fou, fou, malgré une heure de passage un tantinet trop tôt (17h45). Arrivés en tenues estivales, voire tropicales si on regarde de près la chemise hawaïenne de Joe Goddard, on entend un refrain soul, et on reconnaît tout de suite Huarache Lights, pour notre plus grand plaisir. Ce ne sera ensuite qu’une succession de leurs tubes, d’Over and Over, à Night and Day, en passant par Flutes et sa choré de refrain si drôle et décalé pour ce groupe. Synthés et batterie omniprésents, Alexis Taylor et sa voix posée, sourires sur les visages, on peut dire que la mission est remplie pour les Anglais.Un grand bravo pour la version plus habitée en live que sur l’album de Need you now et la reprise de Bruce Springsteen, Dancing in the dark, cerise sur le gâteau. Peut-être le meilleur concert de Rock en Seine ?
On court pour JUNGLE. Ce sera un peu la douche froide. Pour une raison indéterminée, on n’arrive pas à rentrer dans le live. Un peu mou, pas assez de présence, cela nous attriste car JUNGLE -ce groupe anglais aux clips inoubliables, avec ses danseurs sponsorisés par Adidas- a toujours attisé notre curiosité avec sa modern soul et ses rythmiques saccadées. Et malgré les bruits de sirènes caractéristiques du tube The Heat, Julia nous sortant un peu de notre léthargie, nous n’aurons pas le courage d’attendre Busy Earning. Rendez-vous manqué.
TAME IMPALA, autre groupe qui nous faisait piaffer d’impatience. Après avoir entendu leur dernier titre Let it Happen, qui nous avait laissé dans un état exalté, nous attendions de les voir en live. Le groupe australien, bien installé sur la grande scène, a bien fait son job. Tel un chaman, Kevin Parker nous invite à une rêverie éveillée au bord d’un grand lac, installés sur des poufs géants, avec des enfants riants et courant autour de nous. Instant douceur sur Cause I’m a Man, bonheur solaire avec Why won’t you make up your mind, et joie intense pour Apocalypse Dreams. Le chanteur repart pieds nus et nous, on a envie de repeupler le monde. L’effet TAME IMPALA.
Autre grosse tête d’affiche de ce dimanche, THE CHEMICAL BROTHERS. Le live commence sur les chapeaux de roue avec le phénoménal Hey Boy Hey Girl, repris par un public qui sautille dans tous les sens et improvise des chorégraphies de danse contemporaine. Le budget lumière/image est assez impressionnant, et nous restons scotchés très souvent sur les vidéos. Notamment sur le très enjoué Go, tiré de leur dernier album Born in the Echoes, avec des hommes faisant du roller artistique en joggings scintillants ou encore le romantique Swoon et sa quête perpétuelle de l’amour. Et un gros coup de cœur pour le visuel dingue et cauchemardesque, mélange de toutes les angoisses et bizarreries de notre subconscient de I’ll see you there. On espère qu’il n’y a pas d’enfants dans les parages…. Mais malgré quelques sursauts, dans l’ensemble, cela manquait cruellement de nuances et de subtilités et tous les effets n’y ont rien changé. C’est donc avant la fin que nous décidons de clôturer ces 3 jours. Adieu la jungle de Rock en Seine, retour dans la jungle urbaine parisienne.
Rédaction : Anne-Lise Chrobot