Découvreur de talents et enchanteur de nos petites oreilles, vous l’avez sans doute croisé au Jamel Comedy Club où il officie tous les lundis depuis 2008 ou bien encore en festivals. Si vous êtes amateur de Radio Nova, il paraît peu probable que vous ayez pu échapper à ses incontournables émissions, ponctuées de sa voix légendaire. Curieuse d’en savoir plus sur ce personnage haut en couleur dont le projet « K-Rio-K » est actuellement à l’affiche du Nouveau Théâtre de Montreuil du 10 au 16 avril, je suis donc allée à la rencontre de Remy Kolpa Kopoul qui nous a ouvert les portes de son appartement, le temps d’une interview.
Remy, on te connaît à travers ta voix, tes mix, tes bretelles… Mais qui est RKK ?
A ben ça, c’est une question… ! Qui est RKK … ? C’est un « conneXionneur », il fait des connexions. Des connexions entre les choses et les gens, entre les gens et les gens. Il a une devise : « Je me fais plaisir et j’essaie d’être contagieux ». ça fait quelques décennies que ça dure ! Pour la suite, je vais vous laisser le deviner à travers le florilège de questions.
Tu es un amoureux des musiques mais pas un musicien pour autant. Comment expliques-tu cela ?
Musicien, pas du tout. En tout cas, je ne fais pas partie de cette catégorie de ce que l’on appelle « les musiciens frustrés ». C’est à dire ceux qui ne sont pas capables de faire de la musique et qui du coup, parlent de celle des autres. J’ai plutôt eu une attitude de feignasse. « Je passerais trop de temps à jouer trop mal, alors qu’il y a trop de gens qui jouent trop bien ! ». En fait, j’ai commencé le piano à 8 ans et j’ai arrêté à 9. On avait eu la bêtise de me faire passer un concours. Je suis arrivé deuxième, ça ne m’a pas plu… J’ai donc mis toute la mauvaise foi que je pouvais pour persuader ma mère que je n’y arriverais pas, et je n’avais de toute manière pas envie… Donc, j’ai mes oreilles ouvertes et en fonction de ce qui passe par mes oreilles, j’ouvre ma gueule… ou je la ferme.
Passionné des musiques du monde et spécialiste de la musique brésilienne ?
Premièrement, je ne suis pas spécialiste du Brésil, je suis un « gourmand » du Brésil ! Je ne suis spécialiste de rien. Ce mot induit un truc pré carré, or moi, je n’ai cessé d’y échapper.
De la même façon, « musiques du monde » c’est un non-concept. Ou du moins, un concept de tête de gondoles à l’époque où les disques se vendaient. Le monde c’est quoi ? C’est l’ensemble de la planète. Donc « musique du monde » ou « world music », ça ne veut pas dire grand chose… A la rigueur, un terme qui me plaisait parce qu’il faisait image, c’est « sono mondiale ». Un univers qui est apparu avec Actuel et Radio Nova dans les années 80. Je pense que ce mot de « sono » avec ce côté « haut-parleurs » peut m’aller assez bien, parce que ça fait aussi « chantier ». C’est un chantier… Qu’est-ce qu’il y a en commun avec des musiciens balkaniques et de la drum’n’bass brésilienne ?… Bon ben on va mettre tout ça dans « world music » ou dans « musique du monde » !
Ma découverte du Brésil s’est faite via les exilés politiques. Au tout début des années 70, j’étais militant politique. Je faisais parti de cette nébuleuse maoïste qui a donné naissance au journal Libération d’ailleurs, et dont j’ai participé à la fondation. Vers 70-71, on avait participé à la création d’un mouvement un peu plus large « Secours rouge » qui aidait aussi bien les squatteurs, les mal-logés que les militants étrangers, souvent latino-américains, qui arrivaient en France. Les Brésiliens arrivaient mais à l’inverse des autres latino-américains, ne restaient pas entre eux et s’ouvraient aux autres. J’ai donc d’abord été attiré par les gens. Et la première chose qu’ils se faisaient envoyer ici par leurs familles, c’était leur collection de disques. Donc ils m’ont fait une initiation accélérée à la musique brésilienne. Je me rappelle de ce jour de 1971, où ils m’ont emmené à la Mutualité, qui était un lieu de meetings politiques mais où ce soir là, il y avait un concert… et c’était le premier concert en France de Caetano Veloso. Donc je l’ai vu… Je ne peux pas dire que je l’ai entendu parce qu’il devait y avoir 1500 personnes et tout le monde connaissait tellement par cœur toutes ses chansons, que je n’ai pas beaucoup entendu la voix de Caetano ! Je l’avais écouté sur disque et mes copains qui étaient assez patients me traduisaient… A force, j’ai eu envie d’aller au Brésil, et quand on y va une fois, on a envie d’y revenir. Depuis, ça fait environ une trentaine de voyages là-bas… d’où effectivement, la prééminence du Brésil dans mon histoire.
En même temps, j’ai eu d’autres initiations plus ponctuelles. En 79, a ouvert à Paris un lieu qui s’appelait La Chapelle des Lombards, consacré aux musiques antillaises et latinos plutôt salsa. Ça a aussi été la période où commençait à arriver en France, la tournée de grands artistes : Malavoy, Kassav, Tito Puente, Celia Cruz, Ray Barretto, Eddie Palmieri… donc en 2 ou 3 ans, j’ai plongé là-dedans.
Il y a aussi eu en 81, l’ouverture des Trottoirs de Buenos Aires, en face de l’actuel Sunset et en face de la première Chapelle des Lombards. Ce lieu a donc ouvert pour le tango et sont arrivés des groupes et artistes phares. En 6 mois, je m’étais fait une formation accélérée de tango en fréquentant ce lieu.
Plus tard, à partir de 85-86, le Raï est arrivé en France et je voyais régulièrement Khaled… ça a donc été des rencontres, et puis souvent aussi, des artistes que j’ai rencontré au tout début de leur histoire. Des amitiés qui sont faites de conseils, d’échanges… Ca a été le cas et ça l’est toujours avec notamment Rachid Taha, Yuri Buenaventura dont j’ai été le premier diffuseur en France. C’est le cas également de Mayra Andrade.
Je me souviens que j’avais interviewé Caetano Veloso lors de mon premier voyage au Brésil, en 77. A l’époque, je ne parlais pas assez bien portugais, donc j’ai fait l’interview en anglais. Je lui ai posé une question sur les racines : « What about the roots ? » et il m’a répondu, avec son air faussement ingénu : « I like the roots… but I prefer the fruits ! ». (« J’aime les racines… mais je préfère les fruits ! »). Evidemment ça rime, c’est beau et cette citation veut beaucoup dire…! Ce sont des amitiés en pointillés sur des décennies. Et comme en plus, j’aime changer d’univers, de musiques, j’ai l’avantage de pouvoir changer de mondes facilement… d’où le rôle de « connexionneur ».
Je pense que les onze années passées à Libération, à écrire sur la musique ont été assez fondatrices pour moi, parce que c’était quand même une époque où on disait : « Il me faut deux pages pour écrire sur ce chanteur égyptien inconnu au bataillon » et on avait deux pages. On avait une liberté… Aujourd’hui, les choses sont différentes mais il y a des choses auxquelles on a facilement accès alors que ça n’était pas le cas, il y a seulement 15 ou 20 ans… Cette liberté que j’avais à Libération à l’époque, je pense que je l’ai toujours à Radio Nova aujourd’hui. De la même manière que l’aventure de Libé était exaltante, je pense à mes années Nova et en particulier celles avec Jean-François Bizot – créateur de Nova – et notre émission qui s’appelait « Les voyages improbables » du dimanche… C’était un voyage où on s’étonnait nous-mêmes autant qu’on pouvait étonner les gens. On se donnait un mot, on ramenait un paquet de disques qui correspondaient à ce mot et on inventait un voyage en direct, en faisant une sorte de surenchère… en ronchonnant, en bougonnant, et en se créant deux personnages de gorge profonde. C’était pour moi, des années assez extraordinaires. Et je conserve cette fenêtre puisqu’on est ici chez moi, et y’a ces rayons de disques ici dans le living, mais aussi dans la cuisine ! J’ai longtemps rêvé de faire une émission de radio à la maison et je la fais maintenant avec le « Contrôle discal » où les artistes viennent chez moi pour perquisitionner ma discothèque, ce qui donne des situations toujours étonnantes et épatantes. Et les artistes qui sortent d’ici sont toujours contents puisqu’ils ont soit retrouvé des choses ou découvert d’autres choses, et en plus ils ont fait une émission de radio qu’ils n’ont jamais faite ailleurs… L’artiste vient ici, il choisit cinq domaines parmi une vingtaine. On va fouiller et on sort un ou deux disques de chaque domaine. Ça se fait comme on l’entend !
Et alors justement parmi tous ces disques, qu’est-ce que tu pourrais me recommander d’écouter ?
Ah mais je ne vais pas te conseiller un album, comme ça… C’est impossible… ça me viendra mais il faut que je te fasse parler ! On verra tout à l’heure, cette question on la met de côté.
Après un bref interrogatoire à savoir : « Quelle musique écoutes-tu : Au réveil ? Lorsque tu es en colère ? Lorsque tu es triste ? » et « Quelle musique t’évoque une nuit d’amour ? », Rémy m’a donc concocté une playlist, composée de petites pépites musicales :
- Eric Dolphy – « Ifrane » (Randy Weston)
- Harold Alexander – « Mama Soul »
- Omar Sosa & Manu Dibango (enregistrement de RKK)
- Yuri Buenaventura – « Boléros » (produit par Roberto Fonseca)
« DJ RKK » c’est l’amour des platines ou l’amour du métissage des musiques, sous une autre forme ?
Le Djing, c’est parler à trois points du corps : Les oreilles, le cœur, les pieds. C’est raconter une histoire. Il y a aussi des soirées plus thématiques musicalement, mais j’aime aussi les soirées sans thématiques. Et ça peut être devant 30 personnes comme 30 000… J’ai commencé tard. J’ai commencé à l’âge où beaucoup de DJ partent à la retraite, vers 40 ans… ça fait donc 25 ans, ce qui fait déjà une bonne longévité.
Parle-moi de ton projet K-Rio-K
C’est un spectacle musical qui part d’un travail que j’ai fait il y a 28 ans. J’ai écrit une comédie musicale qu’on a pas montée à l’époque, mais on s’en sert comme trame. C’est produit par la MC93 de Bobigny mais hors les murs, puisque ça se passe à Montreuil. Ça s’appelle K-Rio-K et ça parle du Brésil des années 20.
D’où te vient cet amour des bretelles et ont-elles toutes passé le contrôle discal ?
C’est un signe distinctif, mais c’est surtout un moyen très pragmatique d’éviter que le pantalon ne se transforme en protège-tibias ! … On me demande toujours où je les trouve, la réponse tient en un mot : bretelles.com …C’est con !
Et puis comme elles sont fluo, elles m’aident à travailler la nuit sur les autoroutes. C’est mon deuxième métier que l’on connaît moins. Voilà l’explication !!!! Tiens regarde, tu vois… (Remy me montre le site Internet et les différents modèles de bretelles). Après, tu choisis les formes. Tu as toutes sortes de modèles… Moi j’aime assez bien celles qui flashent, mais y’en a des très moches… Les pères Noel, les chiens, les ballons de football y’en a de très mauvais goût… J’ai pas de léopard non plus… Par contre, ça faisait longtemps que j’étais pas retourné sur le site, et je crois qu’il y a deux ou trois modèles que je vais commander !
Pour finir Rémy, y a t’il une question que l’on ne t’a a jamais posée et à laquelle tu aimerais répondre ?
…Alors là…
…Une question à laquelle j’aimerais répondre…
(…)
Je sais, on ne m’a jamais demandé : « Qu’est-ce que tu as contre les ceintures ? ». Hé bien, la réponse est simple, c’est que j’ai déjà des bretelles et que ça ne se fait pas de porter des bretelles et une ceinture, ensemble… Tiens, allons voir sur Internet si ceintures.com existe !
Interview : Isabelle Pares
Copyright photo : Anaelle Trumka
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Une réflexion sur “Remy Kolpa Kopoul, Interview”