
« THE FIGHT MUST GO ON »/ « LE COMBAT CONTINUE »… Oui, parce qu’en plus d’être un festival qui musicalement parlant atteint des sommets, Solidays c’est surtout un festival engagé. Engagé dans la lutte contre le Sida, engagé dans la lutte contre les inégalités, engagé contre l’ exclusion sous toutes ses formes. Solidays, c’est une lueur d’espoir, un phare solide dans des eaux agitées et surtout, une grande fête de la solidarité. Avec pour figure emblématique Nelson Mandela – qui est devenu un poids lourd de la lutte contre le sida suite à un drame personnel – hommage et altruisme sont donc à l’honneur cette année… et malgré un bilan du monde actuel préoccupant, « la bonne nouvelle, c’est que nous sommes toujours là, et que nous ne sommes pas résignés. Un peu, beaucoup, grâce à vous » comme le souligne Antoine De Caunes, président d’honneur de Solidarité Sida. Le combat continue donc.
« Avec 175 237 festivaliers au compteur et 2,2 millions d’euros de recette estimée, les objectifs fixés ont été dépassés. C’est une très bonne nouvelle. Solidarité Sida va pouvoir renforcer ses actions de prévention et d’aide aux malades de Bombay à Dakar ou de Marseille à Bobigny ». Retour sur cette édition 2014.
JOUR 1 : Arrivés vendredi sous un ciel clément, repérage rapide des lieux : cinq scènes dispatchées sur l’hippodrome de Longchamp, sans compter le Forum Café et la Green Room. Mais avant d’attaquer les festivités, allons subir la file d’attente aux distributeurs automatiques de billets… Pour nous faire patienter, une bénévole nous demande de répondre à un petit jeu sous forme de questionnaire sur les différents modes de contraception. Le ton est donné… et ce sera presque un sans-faute pour nous, comme pour les jeunes hommes derrière nous. Bravo Messieurs!
Notre monnaie en poche, direction la scène Domino pour écouter James Vincent McMorrow. En attendant le début du concert, nous pouvons apercevoir la Green Room Session déjà déchaînée sous les basses endiablées de « Jacques in the Box » de Laurent Garnier, choix judicieux pour la fin de set de la Tsugi Crew.
James Vincent McMorrow, artiste irlandais multi-instrumentiste, arrive sous ce dôme étoilé pour le début d’une session toute en douceur et parfaite pour commencer! Sa folk paisible et enchanteresse nous donne envie de tomber amoureux du monde. Des enfants dansent, des sourires extatiques se créent sur les visages… Et quand il chante dans des aigus parfaits « I remember my first love » sur son titre « Cavalier », nous assistons à un moment de grâce, de suspension dans le temps.
C’est donc dans cet état de paix intérieure que nous nous rendons deux pas à côté. C’est l’heure de Breton… Impatience palpable. Groupe anglais comme son nom ne l’indique pas – mêlant le rock, la pop et des pointes de sonorités électroniques, voire du hip-hop – Breton enflamme le Dôme. L’écran vidéo derrière eux – confirmant leur amour pour le cumul « art vidéo & musique » – diffuse des courts-métrages, dont des paysages urbains nous rappelant la pochette de leur album « Other people’s problems » sorti en 2012. Le quintette nous sert sur un plateau ses meilleurs morceaux, de « Edward the confessor » à « Sandpaper« , en passant par « Fifteen minutes » tiré de leur dernier album « War room stories » qui clôturera rageusement leur prestation live bien trop courte à notre goût. Réceptifs, réactifs, ravis et sautillants, nous sommes en communion parfaite avec les cinq anglais dont la cohésion et la complicité se sentent à des kilomètres à la ronde. LE PLAISIR d’être là et de vivre l’instant, tout simplement !
On file ensuite vers la Scène Paris, où Chinese Man a déjà lancé les hostilités. Le « Chinois » possède cette capacité à sampler jazz, hip-hop et reggae grâce à ses platines tout en nous balançant son flow. Gros succès sur « I’ve got that tune« , moment culte pour le sample du « Pudding à l’arsenic » (Mais si! Dans Astérix et Cléopâtre, rappelez-vous) et énorme big up sur une impro. faite pendant une coupure son… sans oublier le petit mot de remerciements à l’attention des bénévoles, et de sensibilisation au combat actuel des intermittents du spectacle.
On décide de rester sur place pour M, le prochain à venir sur cette Scène Paris. Matthieu Chedid, vêtu de ses sempiternelles lunettes M et d’un costume à paillettes/sequins noires, fait accourir les festivaliers dès les premières notes. Une première partie placée sous le signe de la sensualité avec « Onde sensuelle » la bien-nommée, puis quelques breaks dansants et des samples mythiques : « U can’t touch this » de Mc Hammer, « Jump around » d’House of Pain, « Killing in the name of » de Rage Against the Machine. Un petit bout de « Seven Nation Army » de White Stripes plus tard, et voilà la très belle chanson poétique à souhait, écrite par sa grand-mère Andrée Chedid, « Je dis Aime« . N’oublions pas « Mama Sam » et son jeu avec le public, Machistador et ses cuivres, « Baia » et sa rythmique gypsy, et pour finir « Mojo » qui met définitivement le feu ! M est une machine à tubes et nous a même mis en retard pour la suite de notre marathon musical !
Place à Fauve sur la scène Bagatelle. Groupe ayant connu un succès rapide – 20 Bataclan à guichets fermés – ce collectif semble être la voix d’une génération. Textes cinglants, mal-être et dépression, Fauve aborde des sujets avec rage et sans détours, sur des instrumentations assez simplistes mais qui font mouche. Sous la clameur du public, le groupe nous sort le grand jeu en nous proposant la plupart des titres de leur 1er album « Vieux Frères » et conclut sur « Blizzard »… Le blizzard, élément définitivement inconnu pour ce premier jour de festivité !
JOUR 2 : Déjà ravis de la programmation de la veille, cette journée va encore monter d’un cran du point de vue de la qualité musicale… C’est dire !
C’est sous une pluie orageuse que nous nous réfugions sous le Dôme boueux pour écouter Cats on Trees : Piano/voix et batterie, le duo est très apprécié. Scénographie épurée, le groupe est à l’aise aussi bien dans de belles ballades pop avec un piano omniprésent, que dans des chansons plus rythmées. Nina Goern, arborant un joli badge Solidarité Sida sur son débardeur noir bordé de dentelle, nous demande si nous sommes prêts à danser. Grosse clameur sur « Sirens Call« , « Jimmy » ou « Tikiboy » les titres phares de leur album éponyme sorti en 2013. Le public en redemande… Petit gourmand!
Nous décidons, après cette belle mise en bouche, de nous diriger vers le Village Solidarité, pour aller à la rencontre des associations. Immense espace de plus de 80 stands – abordant des thèmes centraux comme le développement durable, les droits humains ou la santé – le Village est un véritable refuge.
Premier arrêt au stand « Sortir avec les mains« , association qui souhaite créer une liaison entre les sourds et les entendants. Des jeux de mimes sont proposés pour faire réfléchir aux différentes formes de communication possibles afin d’éviter l’exclusion des personnes sourdes. Plus loin, le stand « Stop harcèlement de rue« , nous explique pourquoi et comment l’espace public doit rester un espace libre pour tous. « La zone sans relou » permet à chacun d’écrire sur un papier un harcèlement subi et de l’afficher sur un tableau… et à voir comment le tableau est rempli, il reste pas mal de chemin à parcourir. Les bénévoles nous distribuent des tracts prodiguant des conseils en cas d’harcèlement sur soi ou sur les autres, car réagir de manière intelligente et avec du recul, n’est pas facile quand l’agression nous tombe dessus! Notre pérégrination nous mène à « Glowbule, vivre avec le cancer« , qui vise à améliorer les conditions d’hospitalisation des patients en chambre stérile en leur fournissant du matériel informatique. On peut participer en écrivant un petit mot réconfortant sur une ardoise, pour être ensuite photographié, photo qui sera compilée dans un album envoyé aux patients. Quelques mots également sur « Les soeurs de la Perpétuelle Indulgence » – qui utilisent l’image et l’habit des religieuses catholiques de façon festive et théâtrale. Leur Messe – célébrée tous les ans à Solidays – est incontournable. Ce mouvement milite contre l’homophobie et le Sida par de nombreuses actions de sensibilisation et de prévention, et apporte bien-être et renforcement de l’estime de soi aux personnes en souffrance… Belle initiative pour ce combat incessant !

Avant la présentation de quatre tableaux du spectacle musical Madiba – qui retrace les grandes étapes de la vie de Nelson Mandela – Luc Barruet, Fondateur de Solidarité Sida et créateur de Solidays, prend la parole pour introduire Christiane Taubira, Garde des sceaux et Ministre de la Justice, qui rendra hommage à Nelson Mandela via un poème. Arrive ensuite sur scène les choristes, danseurs et chanteurs, pour présenter Madiba. Ce spectacle – prévu au printemps 2015 au Casino de Paris – est placé sous le signe de l’optimisme, avec des paroles teintées d’espoir et d’émotion, et des chorégraphies endiablées.
Petite ballade rapide à l’expo « Happy sex« , où Zep, créateur de Titeuf, expose sur 30 planches en accès libre, la sexualité de manière décomplexée, légère et décalée. Couples mariés, coup d’un soir, fétichisme, plan à 3, SM… Impossible de ne pas sourire devant ces situations cocasses !
Le César Circus nous attend maintenant avec Talisco, coup de coeur de Luc Barruet… et de votre rédactrice ! Tel un Jack Kérouac, le songwriter parisien d’origine bordelaise, nous emmène avec son groupe sur la route américaine. Riffs de guitare entêtants, rythmique lourde mais entraînante, le tout sublimé par une voix à la fois légère et grave à la Jeff Buckley, le chemin pour décrire l’univers de l’artiste est sinueux mais captivant. Sur scène, une énergie bouillante se dégage et le public est conquis. « Your wish » nous embarque dans une chevauchée fantastique, « The keys » est un tube en puissance, « Follow me » une invitation à l’évasion, et on a l’impression de pénétrer dans un film de David Lynch sur « Sorrow« . Une belle claque !
La suite avec We were Evergreen au Domino. Leur pop légère teintée d’électro amène un peu de chaleur, alors que la pluie continue de sévir et commence à transformer Solidays en immense champ de bataille de boue. Bien que n’étant pas inoubliables, leurs jolies ritournelles sont bien sympathiques et les cuivres présents sur scène ajoutent du relief à leur musique aux sonorités hawaïennes. Moment paisible.
Ambiance plus rock avec Stuck in the sound et son charismatique chanteur caché derrière sa capuche d’éternel ado, José Reis Fontao. Legroupe fait définitivement sécher les quelques K-ways encore mouillés par la pluie! Pogos et slams au programme – ce qui a failli nous coûter la vie (oui, bon, c’est un peu exagéré!) – et intervention de Jérome des Tutos sur Canal+ sur le titre « Toy Boy« . Une pause douceur s’impose avec le titre « Brother« , déchirante chanson sous ses airs durs, ou encore « Let’s go« . Hâte de découvrir leur prochain opus, prévu pour cet automne.
Ça ne s’arrête jamais pour nous. Énorme découverte et talent en puissance pour Blitz the Ambassador, MC new-yorkais, qui mélange jazz et hip- hop lourd. Cuivres, batterie, guitare, basse, les musiciens sont habillés en costumes de cérémonie sobres et classes, tout comme l’ambassadeur de la soirée. Américain d’origine ghanéenne, Blitz ne nous laisse pas une seconde de répit, les morceaux s’enchaînant tel un mix funk-jazzy. La coordination corporelle des musiciens avec les mélodies, guidée par le MC, qui prend ici le rôle d’un chef d’orchestre, est magnifique. Climax du concert, une danse de foule sur des rythmes africains et une reprise de Sting « Englishman in New York« , transformée en « Africanman in New-York » pour l’occasion, puis en « Africanman in Paris » et chantée par nous tous ! C’est beau, c’est bon!
Prêts à aller voir le dernier concert de notre journée, Franz Ferdinand… mais avant cela sur la grande scène, a lieu le traditionnel hommage aux bénévoles sans lesquels Solidays ne serait pas possible et la diffusion sur écran géant d’un message d’espoir de Bill Gates, entrepreneur philanthrope.

Le quatuor écossais Franz Ferdinand arrive ensuite dans le seul but de nous faire danser avec leur rock festif… Mission accomplie ! Et pour la peine, le ciel devient sec. « Take me out » – leur premier tube surpuissant n’a rien perdu de sa superbe – et les titres de leur dernier album remplissent bien leurs fonctions première d’électriser les foules : ROCK’n’ROLL BABY!
JOUR 3 : Alors que ce dimanche sera marqué par la visite de François Hollande, « premier Président de la République à fouler les pelouses de Longchamp », c’est encore sous une pluie orageuse que débute cette dernière journée. Rendez-vous au Dôme avec La Femme – groupe aux fortes sonorités new-wave, nouvelle vague du renouveau pop français. Malgré quelques problèmes de micro qui handicapent la voix fluette de la chanteuse, le groupe nous livre une prestation de qualité. « Nous étions deux » est acclamé par la foule et repris de manière brutale par le chanteur blond peroxydé, bientôt torse nu qui se jettera par la suite dans le public pendant « Antitaxi » et son refrain écolo « Prend le bus, prend le bus« .
Grosse ambiance pour ce premier concert, qui se conclut par la sortie de ses membres un par un, jusqu’à ne laisser que le son de la batterie mourir tranquillement, ce qui est du plus bel effet.
Retour sur la grande Scène Paris, pour la « Cérémonie du patchwork des noms ». Moment extrêmement émouvant, où sont cités les noms de personnes emportées par le virus du Sida et où une trentaine de patchworks est déployée sur l’hippodrome, en hommage aux victimes. Tous les concerts sont arrêtés pour laisser place au silence, se recueillir et ainsi ne pas oublier que même si des traitements existent, le virus du Sida continue de faire des ravages dans le monde…
C’est Vanessa Paradis qui occupe ensuite cette scène centrale, accompagnée notamment de Benjamin Biolay – son inséparable complice du moment – qui a participé à la réalisation de son dernier album. Tout le monde est vraiment ravi de la retrouver. On repère même dans le public trois grands gaillards, casquette américaine sur la tête et baggy, prenant des photos et chantant le refrain de « La Seine« … comme quoi, l’habit ne fait pas le moine ! Comment ne pas fondre à l’écoute des douces chansons ‘Il y a » ou « Marylin & John« . Il faut dire aussi que Vanessa est rayonnante sur « Sunday Monday » et charmante quand elle affirme que c’est nous qui avons fait venir le soleil, maintenant bien présent.
Changement d’ambiance avec Girls in Hawaii, digne représentant de la scène indie rock belge. Les six musiciens nous offrent un live très émouvant, énergique et mélancolique. Leur dernier album « Everest« , sorti en septembre 2013 après une longue absence de la scène musicale, sonne comme un hommage, avec comme chanson phare « Misses« . Nous en profitons donc jusqu’à la dernière miette alors que certains sont déjà partis pour aller voir Metronomy.
C’est donc avec un retard qui en valait la peine que nous nous apprêtons à voir le groupe électro pop anglais. Joseph Mount et ses acolytes, vêtus de leurs immaculés costumes, sont très beaux. La scénographie aérienne, sur fond de nuages blancs et roses, clin d’œil à la pochette de leur dernier album « Lover Letters« , aussi. Et il faut dire que leur musique est PAR-FAITE pour le crépuscule qui s’installe, instant de bonheur à saisir et à apprécier. Les titres s’enchaînent dans une douce euphorie: « Love letters« , « The Upsetter« , « Reservoir » et le synthé si caractéristique au groupe, le « choup dou dou ha » de « I’m aquarius« , Et bien évidemment, la ferveur sur « The Bay« , l’appel estival absolu!
Il est temps d’assister au dernier concert de ces trois jours de bonheur avec « l’ enfant des bois ». Yoann Lemoine, alias Woodkid, clôture en beauté cette édition 2014. Accompagné d’un orchestre symphonique, l’artiste nous emmene dans son univers onirique, mélancolique à souhait, dès les premières mesures. Ce sera définitivement l’ascenseur émotionnel de ce festival. Tout est très sérieux dans sa musique, millimétré à chaque mesure mais empli d’émotions, dualité magique. Les cuivres, les cordes, les percussions, les bois, sa voix grave, ce live, – tout comme son album – est construit comme une histoire que l’on écoute avec attention, le coeur ouvert. On dirait presque un scénario de film, sans fioritures, brut et direct, et nous, public, on plonge tête première dedans. Entre « The golden Age » marquant la fin d’une époque, « Stabat Mater » et son orchestration messianique, « I love you« , magnifique déclaration qui nous fait monter les larmes aux yeux, « Iron » qui déclenche dès les premières notes l’hystérie de la foule, ou encore « Run Boy Run« , repris par des milliers de personnes, c’est beau, dingue, d’une chaleur humaine incroyable.
Beauté et Emotion donc, la parfaite combinaison pour dire « Au revoir » à ce festival si spécial… Merci Solidays et à l’année prochaine !
Rédaction : Anne-Lise Chrobot
Copyright photo de couverture : Deborah Karalou – Solidarité Sida
Une réflexion sur “Retour sur le Festival Solidays – Edition 2014”