On mésestime souvent la capacité que possède la musique classique à se renouveler. Elle vit, elle évolue et s’adapte à chaque époque qu’elle traverse.
Le 22 mars dernier, j’ai eu la chance d’écouter une programmation des plus attrayantes à la Salle Pleyel : « Too Hot Toccata » d’Aaron Jay Kernis, le « Concerto en Fa » de George Gershwin et la « Symphonie du Nouveau Monde » d’Antonin Dvořák, le tout interprété par l’Orchestre Pasdeloup et dirigé par le jeune chef Christophe Altstaedt.
Le concert a donc débuté par une mise en bouche du trop méconnu « Too Hot Toccata » composé en 1996. Commandité par le Saint Paul Chambers Orchestra, c’est une musique compulsive, facile à aborder, avec des accents jazzy. Dans cette oeuvre, le compositeur contemporain -violoniste de formation – Aaron Jay Kernis est un spécialiste des cordes et les utilise tel un spectre dansant qui s’amuse avec chaque section de l’orchestre.
Après un bref ré-accord de l’orchestre, le batteur David Pouradier Duteil, le contrebassiste Yves Torchinsky et le vibraphoniste Franck Tortiller entrent comme des rois, sous les applaudissements d’un public très impatient. Le trio de jazz s’installe bien au chaud entre les premiers et les seconds violons, non loin du chef d’orchestre. Les quelques coups de timbales du début de l’Allegro suffisent à capter toute l’attention de la salle. Franck Tortiller, aussi concentré que décontracté, lance un vif regard à l’orchestre, au chef, puis au public, pour enfin poser ses baguettes sur les lames de son vibraphone et entamer les premières notes. La magie opère instantanément, et c’est à ce moment là que l’on constate l’étendue des possibilités suggérée par la musique classique, qui se métamorphose là on où ne s’y attend pas.
Ici la version originale pour piano et orchestre
Dans cette nouvelle interprétation du concerto, joué pour la première fois en 2003, le fait que le vibraphone remplace le piano ajoute un côté « swing » qui nous rappelle à quel point Gershwin a influencé cette musique, de part ses couleurs et son orchestration.
Le trio lui rend donc un bel hommage grâce à ce mélange tout à fait pertinent, le compositeur ayant du respecter une forme et un esprit classiques du concerto malgré ses aspirations pour le jazz, et la boucle est bouclée !
Enfin, pour accompagner ces deux œuvres moins connues du grand public, l’ Orchestre Pasdeloup offre comme à son habitude, une parfaite prestation d’une pièce majeure du répertoire classique plus « traditionnel », avec cette fois, la « Symphonie du Nouveau Monde ». Les thèmes et solos sont joués dans des tempos assez tranquilles, de sorte à apprécier la beauté de ce monument, avec toujours la même émotion lors du second mouvement Largo et son fameux solo de cor anglais.
L’ Orchestre Pasdeloup interprétera le « Concerto pour violon » de Khatchaturian à la Salle Pleyel le 14 mai prochain, avec pour soliste le violoniste Nemanja Radulovic. Puis la « Symphonie n°2 » de Brahms, le tout dirigé par le chef Wolfgang Doerne.
Franck Tortiller vient quant à lui de sortir son nouvel album intitulé « La leçon des jours » (MCO).
Aurèle Spoutil