Voilà plusieurs mois que j’entendais parler de Versus, collectif d’artistes mêlant habilement funk, soul, hip hop et jazz. Leur venue au Festival Rock en Seine en août dernier était donc pour moi l’occasion de les découvrir en live… et bien que programmés en début d’après-midi, je peux vous assurer que le domaine de Saint-Cloud a groové le temps de leur (trop courte) prestation. Véritable coup de coeur du festival – concentré d’énergie et de bon son – j’ai donc été à la rencontre de deux des membres du groupe lors d’une soirée d’octobre, afin qu’ils nous présentent leur projet.
Vous faites partie du collectif Versus. Pourriez-vous vous présenter?
Seb : Je suis Seb Lawkyz, je suis bassiste-contrebassiste et à l’origine du projet Versus.
Mr Tos : Moi je suis Mr Tos, DJ-platiniste et on travaille depuis un bout de temps ensemble. Je suis également le scénariste du projet.
Et de quoi parle votre projet, justement ?
Seb : L’idée que j’avais envie de développer c’était de faire une bande originale de film imaginaire. Pour que les gens puissent avoir leur propre vision du film. Comme c’est un projet avec plein d’influences, qui vont du hip hop au jazz en passant par la soul et le funk, et qu’on a tous un gros point commun autour des films de la Blaxpoitation comme Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, je trouvais intéressant de découvrir l’univers de la Blaxploitation dans un projet musical.
Lorsqu’on s’intéresse à vos parcours respectifs, on se rend compte que vous avez tous une grande expérience de la scène et des collaborations artistiques. Que certains d’entre vous travailliez ensemble sur d’autres projets, je pense notamment à Quincy Brown du collectif Push Up… Est-ce qu’il y a un renouveau dans la branche funk-soul en France ou au contraire, est-ce que vous avez le sentiment d’être dans la continuité de groupes pré-existants ?
Seb : Je ne suis pas certain qu’il y ait un renouveau. Quand je pense à Jî Dru ou Sandra Nkaké qui ont monté Push Up justement, ou dans un autre genre Beat Assaillant ou Hocus Pocus, ce sont des gens qui sont là depuis très longtemps. Cette grande famille de black music en France évolue depuis très très longtemps. Il y a par exemple Juan Rozoff qui a participé à notre projet, qui a fait des albums bien avant nous… Par contre, avant la mode était à d’autres styles musicaux, et je pense que ça a été remis au goût du jour récemment grâce au fait peut-être que des groupes comme Push Up ou Versus arrivent avec des projets différents, où l’on veut raconter une histoire dans un album. Il faut également prendre en considération que l’on est une génération qui a grandi avec le hip hop. C’est quand même une musique qui provoque une énorme frustration, dans laquelle on a samplé la soul et la funk à un point tellement hallucinant, qu’on a pu la jouer qu’avec des machines. C’est frustrant à moment donné d’être juste sur du sampling. Il y a un moment où tu as envie d’avoir un vrai batteur qui fait vivre le truc comme des morceaux d’origine. Si ces morceaux ont été samplés c’est parce qu’on les a adoré. Donc dans le sampling, il te manque quelque chose que tu ne peux retrouver ensuite que dans la construction d’un groupe.
Qu’elle est donc l’histoire de votre projet ?
Seb : Tout se passe autour d’un mystérieux personnage qui s’appelle Mister Blue, que personne ne connaît, que personne n’a jamais vu… mais Mister Blue a un lien avec chaque personnage de l’histoire. C’est vraiment parti d’un délire où l’on s’est créé des noms et des rôles de personnages pour alimenter ce scénario imaginaire. Mr Tos c’est JC le flic véreux, moi je suis Donnie le barman et Tos a combiné tout cela à la sauce Blaxploitation. Tu constitues une équipe avec des malfrats dont tu n’arrives finalement pas à savoir s’ils sont gentils ou méchants.
Ce sont des personnages déjà existants ?
Mr. Tos : Non, ils sont inventés mais comme on est des potes avant tout, on retrouve dans chacun des traits de nos caractères respectifs. Cette histoire, on l’a pensée en trois volets, le premier album présente les personnages, c’est un prologue. Mister Blue envoie une lettre dans laquelle il demande à Donnie le barman, de réunir cette équipe. Pourquoi et dans quel but ? Pour que ce soit le nouveau groupe du bar, soi disant. Mais tu te doutes bien que ça n’est qu’un prétexte… Dans le deuxième album, ce groupe va monter un coup. Dans le troisième, le coup va avoir lieu. Reste à savoir si il passera bien ou mal et c’est seulement à la fin du troisième album que l’on saura qui est Mister Blue. C’était assez intéressant de ne pas raconter toute une histoire sur un seul album… Pourquoi ne pas tout garder et construire les choses de sorte que ceux qui ont eu un affect pour la musique ou le concept aient envie de nous suivre sur l’ensemble du triptyque.
Quelles sont vos influences musicales ?
Seb : Je pense qu’on à tous une grosse base commune dans la black music, au sens très large du terme. Dans la funk avec James Brown et les labels Stax, Motown, Volt, Blue Note. Ensuite, il y a deux grandes écoles dans le hip hop. Dans le groupe, il y a l’école des « Roots » et celle d’ « Herbaliser ». Après Tos, il a un gros appétit dans le dub mais on a un passif commun sur la drum and bass. Nico le batteur a un côté très rock, très Black Keys qu’il aime beaucoup. Mais pour ce projet particulier, la direction artistique était plutôt axée Herbalisers ou Lalo Schifrin en bande originale du film…
Mr Tos : On a un spectre assez large et on a pu s’en servir d’une certaine manière en studio, en prenant les influences de chacun sur leurs instruments. En live également, sous d’autres formes. Par exemple, de ce que je retiens de nos lives c’est que j’ai le sentiment qu’on a une énergie assez rock par moment, qui est amenée par ceux qui ont cette culture là dans le groupe. Par ailleurs, il y a d’autres moments où ça groove… et on arrive à bien mélanger tout ça !
Sur Walkzine, on parle également de lieux parisiens qu’affectionnent particulièrement les artistes. Vous en auriez à nous recommander ?
Seb : Dans l’équipe, on est nombreux à être de gros collectionneurs de vinyles. Du coup, on aime beaucoup un disquaire situé vers le métro Saint-Sébastien, qui s’appelle Betinos. Il a énormément de soul-funk, de vieilles bandes originales de films, de la musique latine, du groove africain. C’est la super synthèse des musiques qu’on aime bien. Betinos c’est un vendeur de musique, mais un vrai passionné. Si tu lui demandes un disque il l’aura, et s’il ne l’a pas, il se débrouillera pour le recevoir très vite. Souvent il te demande si tu connais ça ou ça… Et même si tu connais énormément de choses, il arrivera toujours à te coincer sur quelque chose que tu ne connais pas. Il va prendre le temps de te le faire écouter… Il sait ce sur quoi tu vas être réactif. Pour moi c’est un des meilleurs disquaires à Paris. C’est devenu un pote… Par contre, c’est vraiment le pote que tu ne vas voir qu’en début de mois !
Mr Tos : On aime également un autre shop au Marché Dauphine, celui de Mister Modo qui est beaucoup plus large dans ce qu’il vend mais c’est pareil, il a de très belles surprises. Il y a pas mal de vieux disques et de vieux bouquins, c’est assez surprenant ce qu’on peut trouver là-bas.
Seb : Pour les sorties, j’aime beaucoup la Boule Noire et les très petits lieux pour découvrir des artistes. Je la trouve assez jolie cette salle toute en longueur, avec du parquet. Je suis assez content aussi que le Trabendo ait réouvert.
Mr Tos : J’ai bien aimé le Carmen également. On y a fait un DJ set avec FIP. C’est un endroit vraiment fabuleux. Mais c’est vrai que quand tu y rentres, tu te dis tout de suite que c’est une ancienne maison close… et puis on t’explique que « Non, pas du tout. C’est une ancienne maison de rencontres! ». Les gens s’y rencontraient mais il ne s’y passait rien… J’ai du mal à y croire. C’est assez décalé par rapport aux mixes ou aux soirées qui s’y passent aujourd’hui !
Pour finir, quels sont vont projets pour la suite ?
Avant la fin de l’année, on sort l’édition vinyle de l’album avec des petits bonus qui n’existeront que dans le cadre de ce vinyle. Après on va commencer à écrire pour la suite… Il y aura également des mixes qu’on aime bien et qui seront en téléchargement gratuit. Et puis on a la tournée qui continue sur la période automne-hiver. Il y aura vraisemblablement la réalisation d’autres clips également car on a la volonté de continuer à collaborer avec Yann Desjardins notre graphiste et de développer d’autres images. Puis en 2014, le deuxième album avec des featurings différents du premier album, des rencontres, des coups de cœur…
Lors de cette interview, je portais un collier de la marque Cailles de luxe.
Copyright photos : Olivier Samyde